Shaylee A. Williams

Un homme brillant a dit, un jour, cette phrase désormais connue de tous: il y a des jours où l'on ferait mieux de rester couché... Oh, mais que dis-je...? Un homme brillant... Comme si cela pouvait réellement exister; je veux dire, mis à part dans les films et dans les romans. Disons plutôt qu'une femme brillante - veuillez me pardonner pour cet affreux pléonasme - a dit, un jour, cette phrase désormais connue de tous.

Oui, il y a en effet de ces jours où il serait plus sage de rester allongé dans son lit, profitant du confort de son oreiller bien moelleux et de la douce chaleur de ses couvertures, plutôt que de se lever et de subir les coups durs de la vie. Shaylee vivait justement l’une de ces affreuses journées, sauf qu’elle n’avait malheureusement pas eu la possibilité de rester au lit bien longtemps ce matin-là.

Chambre de Shaylee
6h02

Le soleil hésitait encore à montrer le bout de son nez; pourquoi ne pas prendre relâche et laisser les nuages me remplacer, semblait-il dire. De toute manière, qui pouvait bien avoir envie de le voir à une heure pareille? Certainement pas Shaylee en tout cas. Elle était bien au chaud sous ses couvertures, son corps reposant contre celui de son portefeuille préféré - mieux connu sous le nom de Noah – et elle était déterminée à ne pas bouger de là avant quelques heures encore. Encore aurait-il fallu qu’elle fasse part de cette détermination à sa sœur, mais elle n’avait pas prévu qu’on la réveillerait à une heure aussi matinale à cause d’elle. La sonnerie du téléphone retentit dans la chambre, faisant sursauter Shaylee au passage. Elle n’arrivait pas à croire que quelque part dans le monde, quelqu’un était assez fou pour téléphoner chez les gens à une heure pareille. Il fallait vraiment n’avoir rien à faire de sa vie et, même là, elle était persuadée qu’elle aurait pu trouver quelque chose de plus intelligent à faire. Le pire dans tout cela était que cette personne la connaissait ou, du moins, connaissait son numéro de téléphone!

SHAYLEE ▬ Allez Noah, bouge-toi un peu.

Elle se décolla de lui, allant de réfugier à l’autre extrémité de son gigantesque lit. Elle n’avait vraiment pas envie de se lever, elle avait bien le droit à quelques heures de sommeil encore, non?

NOAH ▬ On est chez toi, pas chez moi.
SHAYLEE ▬ Oui, mais c’est à ton tour de répondre.
NOAH ▬ Je veux bien répondre, mais je risque d’être beaucoup trop fatigué pour aller t’acheter les nouvelles chaussures Prada dont tu m’as parlé si je me lève maintenant.
SHAYLEE ▬ T’es pas sérieux là? On avait décidé hier qu’on allait magasiner ça aujourd’hui. En plus, t’as qu’à t’étirer un peu le bras; le téléphone est à côté de toi.
NOAH ▬ On ira aussi, si tu veux bien faire taire ce foutu téléphone.
SHAYLEE ▬ Je te déteste.

Elle le détestait vraiment. Elle détestait cette emprise qu’il avait sur elle. Elle avait beau faire d’énormes efforts pour lui résister, il arrivait toujours à obtenir ce qu’il voulait. Toujours. Mais que pouvait-elle faire contre lui? Des chaussures Prada, c’était bien peu cher payer que de répondre au téléphone pour les avoir, même à une heure pareille. Bien malgré elle, elle se leva, emportant une couverture qu’elle s’enroula autour du corps. Elle sentit son sang bouillonner dans ses veines lorsqu’elle aperçut le visage du jeune homme s’illuminer en signe de victoire. Ce qu’il pouvait l’énerver des fois… Et justement, cette fois, s’en était trop. Pourquoi serait-elle la seule à souffrir pour cet imbécile qui avait décidé de téléphoner alors que le soleil n’était même pas levé? Non, si elle devait souffrir, il souffrirait avec elle. Passant au pied du lit, elle en profita pour en arracher toutes les couvertures restantes. Shaylee s’empara du combiner sans porter attention aux plaintes provenant du lit.

SHAYLEE ▬ J’espère que t’as une bonne raison au moins pour me réveiller. Non, mais t’as vu l’heure qu’il est, bordel?
OFFICIER ▬ Mademoiselle Williams je présume. Votre sœur m’avait prévenu que vous risquiez de ne pas être très très ravie de recevoir un téléphone à cette heure-là.
SHAYLEE ▬ Ouais, bah pour une fois, elle avait raison.
OFFICIER ▬Écoutez mademoiselle, ici l’officier Thompson. J’aimerais vous rencontrer dans les plus brefs délais. C’est au sujet de votre sœur…

Commissariat de police
9h17

SHAYLEE ▬ 10 000$!?? Non, mais ça va pas la tête??
OFFICIER ▬ Je n’y peux rien mademoiselle. La loi c'est la loi et votre sœur l’a enfreint.
SHAYLEE ▬ Oui, mais 10 000$... c’est 10 000$ et c’est énorme. Et puis, qu’est-ce que vous allez faire avec tout cet argent? Vous achetez des beignes à vous et vos collègues?? Écoutez, lorsqu’il me prendra une envie folle de jeter mon argent par les fenêtres, je vous appellerai promis, mais pour le moment, j’ai des trucs beaucoup plus importants à faire avec 10 000 $. Vous pouvez pas vous arranger avec mes parents plutôt?

Visiblement, l’officier n’avait pas l’habitude de collaborer avec des gens comme Shaylee. Du moins, c’est l’impression qu’il lui donnait en ce moment. Après un court moment de silence, l’officier, qui avait finalement retrouvé ses esprits, se risqua à poursuivre la conversation.

OFFICIER ▬ Malheureusement, nous sommes incapable de les rejoindre. Et puis, vous n’êtes pas forcé de payer. Toutefois, si vous ne le faites pas, votre sœur devra séjourner chez nous quelques jours encore.

Quelle sœur pouvait bien laisser son autre sœur passer quelques jours en prison, tout cela seulement pour avoir voulu piquer quelques fringues dans une boutique suffisamment sophistiquée pour pouvoir se payer un système d’alarme…? À bien y penser, Shaylee était certaine que sa sœur l’aurait fait. À vrai dire, elle ne s’était jamais vraiment bien entendu toutes les deux. Et puis… 10 000$, ça restait 10 000$. Sans oublier que, si Noah ne lui en voulait pas trop, il lui achèterait ses nouvelles chaussures Prada. Il lui faudrait alors s’acheter des vêtements dignes d’être portés avec elles…

SHAYLEE ▬ Après tout, je suppose que c’est un bon moyen pour lui faire réfléchir aux conséquences de ses actes. C’est instructif en quelques sortes…

Dit-elle avant de se lever de sa chaise et de quitter le commissariat. Et non, elle n’allait pas verser les 10 000$ nécessaire pour sortir sa sœur de prison. Elle n’avait plus qu’une idée en tête maintenant : elle devait aller faire les boutiques.